CHAPITRE 5
- La trahison d'Escaflowne -
Hitomi ne bougea pas de toute la journée. Enfermée dans sa chambre, elle réfléchit à ce que Merle lui avait dit. Elle était déjà venue. Que s'était-il passé ?
Van passa sa journée à rattraper l'escapade de la veille. Il bougea beaucoup dans tout Fanélia. Lorsqu'il rentra en fin d'après-midi, Alya courut lui dire qu'on n'avait pas vu Merle de la journée. Van, inquiet, fonça à la chambre de Merle. Rien n'avait été dérangé, le lit était fait. Il alla ensuite dans sa propre chambre. Rien non plus. De plus en plus inquiet, Van fouilla tout le palais et tout le jardin, appelant Merle, bientôt rejoint par Allen, Séréna, Cid et ses gardes.
Hitomi sortit de sa chambre en entendant les cris. Elle les rejoignit dans le jardin. En la voyant, Van lui demanda d'un air angoissé :
_ Hitomi ! Tu n'aurais pas vu Merle ?
_ Pas depuis hier soir...Qu'est-ce qu'il se passe ?
_ Elle a disparu, expliqua Allen.
Hitomi pâlit. " C'est de ma faute, pensa-t-elle en se rappelant les paroles de Merle. C'est à cause de moi qu'elle est partie. "
_ Pourvu qu'elle aille bien, implora Van. Qui a pu oser...
_ Elle est partie d'elle-même ! s'écria Hitomi. Elle était tellement triste...Il faut la retrouver !
_ Partie d'elle-même ? Mais pourquoi ? Pourquoi elle serait partie ?
Soudain, Van se rappela les paroles de l'ombre. " Tu les perdras tous ". La prophétie s'accomplissait ! Il ne fallait pas, non, il ne se laisserait pas faire. Il avait trop souffert, il s'était trop battu pour son bonheur, on ne le lui enlèverait pas comme ça !
_ Je n'arrive pas à utiliser le pouvoir du pendentif ! enragea-t-il.
_ C'est parce qu'elle ne veut pas que tu la retrouves, fit Séréna.
Tous la regardèrent.
_ Je crois que Merle avait l'impression d'être une gêne, continua-t-elle. C'est pour ça qu'elle est partie. Mais tu ne dois pas la laisser faire !
_ J'y vais ! lança Van.
_ Moi aussi ! ajouta Allen.
Les deux chevaliers de Fleid proposèrent aussi leur aide.
_ Je viens avec vous ! intervint Hitomi.
_ Non ! fit brusquement Van. Il ne faut pas que tu sois en danger toi aussi. Reste avec Séréna et Cid. Et ne bouge surtout pas ! On ne sait jamais.
Hitomi ne protesta pas. Allen et Van auraient dû se méfier de ce manque de combativité, mais ils étaient trop inquiets. Ils partirent tous dans des directions différentes.
Dès qu'ils disparurent de sa vue, Hitomi, ignorant les appels de Séréna et de Cid, partit en courant vers la forêt. Van ne pouvait pas utiliser le pendentif, mais elle si. Et elle devait retrouver Merle avant les autres pour régler cette histoire. Elle ne voulait pas que Merle se sente seule à cause d'elle. Hitomi pénétra dans la forêt, et marcha quelques temps. Elle arriva dans une clairière au milieu de laquelle se trouvait une immense tombe, et un drôle d'engin, une sorte d'immense robot blanc. Hitomi eut l'impression étrange de retrouver de vieilles connaissances. " Si je pouvais me souvenir de tout ! " pensa-t-elle. Elle s'approcha de la tombe. " Folken Lacour de Fanel ", lut-elle. Folken...C'était le nom qu'avait prononcé Van lorsqu'elle avait parlé de l'ange aux ailes noires ! Il devait faire partie de la famille de Van. Une aura douce émanait de la tombe, une aura de paix. Hitomi s'approcha un peu plus, lorsqu'une voix moqueuse jaillit de derrière elle.
_ Regardez qui voilà, frères !
Elle se retourna. Une dizaine d'hommes-animaux, probablement affiliés à la chauve-souris, la regardaient d'un air narquois.
_ La favorite du Dragon en personne ! fit l'un d'eux.
_ A votre avis, frères, combien le Dragon donnera pour la retrouver ?
Hitomi ne put faire un geste. Les êtres se jetèrent sur elle, la bâillonnèrent. Elle sentit bientôt qu'ils s'envolaient. Mais ce n'était pas un vol agréable, comme avec Van. Hitomi ferma les yeux. Il ne fallait pas que la panique s'empare d'elle, sinon, l'ombre allait revenir. Et ce n'était pas le moment ! Elle ferma les yeux, se calma. Elle visualisa son pendentif, puis Van. " Van, appela-t-elle. Viens. J'ai besoin d'aide ! Van !"
Triste et fatigué, Van marchait le long de la forêt en appelant Merle, lorsqu'il entendit mentalement la voix d'Hitomi. " Hitomi ? " " Van ! Enfin ! J'ai été capturée par des hommes-chauves-souris ! " " Où es-tu ? " " Je ne sais pas, on survole une plaine après la forêt. Ils sont une dizaine, et on va vite ! " " N'aie pas peur, ne t'inquiète, je viens te chercher ! " " Je t'attends ", fit Hitomi d'une voix pleine de confiance.
Van réfléchit rapidement. Il n'avait pas le temps d'alerter les autres. Mais d'après Hitomi, les ravisseurs étaient nombreux... " Escaflowne ! " s'écria-t-il avant d'entrer dans la forêt en courant. Il mit peu de temps à atteindre la clairière, et au pied d'un arbre, il déterra la drague énergist. Van sauta sur Escaflowne, et fit rentrer l'énergist dans son coeur. Rien ne se passa. Escaflowne ne réagit pas. Van tapa, s'énerva, rien à faire, le guymelef refusait de répondre à l'appel du jeune roi. Furieux, déçu, Van descendit d'Escaflowne.
" Alors toi aussi tu m'abandonnes ! Tu trahis le pacte du sang ! cria-t-il d'une voix rageuse. Eh bien je délivrerais Hitomi sans ton aide ! ". Van fit apparaître ses ailes et s'envola au-dessus de la forêt. Il vola longtemps avant d'apercevoir le groupe. Ils étaient vraiment nombreux. " Enfer ! pensa Van. Ça aurait été plus facile avec Escaflowne ! ".
Il prit de l'altitude, et repéra celui qui tenait Hitomi. Il plaqua ses ailes contre son corps et descendit en piqué, droit sur le ravisseur, le percuta. Surpris, l'homme-chauve-souris lâcha Hitomi qui poussa un cri. Van la rattrapa au vol, elle s'accrocha à lui, et murmura : " Je savais que tu viendrais ". Van la posa doucement à terre, au-dessus de lui, la horde d'hommes-chauve-souris s'apprêtait à attaquer en force.
_ Je vais me débarrasser d'eux, dit-il.
Puis il regarda Hitomi droit dans les yeux, la prit par les épaules et lui dit d'une voix sérieuse :
_ Quoiqu'il arrive, si un jour tu retrouves la mémoire, je veux que tu saches que mes sentiments n'ont pas changé et qu'ils ne changeront jamais.
Puis il s'envola.
Un éclair de lumière frappa soudain Hitomi de plein fouet, des images défilèrent devant ses yeux, des images de la Terre, des images de Gaia, de guerre, et de Van. L'ombre, frappée par la violence des sentiments de la jeune fille, dût lâcher son emprise sur l'esprit d'Hitomi, et sa mémoire lui revint d'un coup. Elle resta un instant sans bouger, choquée, puis se reprit. Elle était de retour sur Gaia ! Van...enfin, elle pourrait lui parler ! Comme elle avait dû le faire souffrir...Il fallait qu'elle lui parle. Elle ferma les paupières en serrant son pendentif : " Pardon, Van...Je t'en prie...Il faut que je te parle...Je me souviens...Van...Reviens... "
Mais il ne répondait pas, il se battait déjà, là-haut.
" Ils t'ont vaincu ", dit l'être de lumière à l'ombre. " Oui, mais trop tard. Le Dragon va mourir. ". L'être de lumière secoua la tête. " Non, dit-il. Il ne mourra pas. "
Mais là-haut, Van avait de plus en plus de mal. Tout seul contre des êtres déloyaux, il n'avait pas beaucoup de chances. " Si Escaflowne ne m'avait pas trahi, cette bande de démons seraient déjà tous morts ! ". Van se battait avec toute sa force, et il ne restait plus que trois des ravisseurs. Alors qu'il pensait pouvoir enfin s'en sortir, l'un d'eux le frappa dans le dos, et lui brisa les ailes. Van ouvrit la bouche pour hurler de douleur, mais aucun son ne sortit. Incapable de se retenir, il commença à tomber.
" VAN ! " hurla Hitomi. C'était comme dans sa vision...comme dans sa vision...Au moment où l'homme-chauve-souris l'avait frappé, les ailes de Van étaient devenues noires comme les ténèbres, noires comme celle de Folken, symbole de sa mort...Et il tombait...
Plus loin, dans la forêt, enfin délivré du maléfice, Escaflowne répondit à l'appel de Van. La drague energist se mit à briller violemment, Escaflowne se leva. Il se changea en dragon, s'envola et fonça droit sur le lieu du combat.
Hitomi courut vers Van, folle de peur, elle l'appela. Mais Van continuait de tomber, et atterrit violemment au sol. " VAN ! " hurla Hitomi. Elle s'effondra près de lui, le secoua en pleurant.
" Van ! Lève-toi ! Lève-toi ! Van ! Je t'en prie ! Réveille-toi ! Van ! ". Il respirait faiblement, mais ne bougeait plus. Hitomi s'écroula sur sa poitrine, prononçant sans se lasser le nom de son ange aux ailes brisées, lui conjurant de se relever, d'ouvrir les yeux.
Les trois hommes-chauve-souris qui restaient se posèrent et s'approchèrent pour achever Van et reprendre Hitomi qui ne les voyait pas, ne s'occupait pas d'eux. Lorsqu'elle aperçut enfin l'un d'eux, il levait son arme sur Van. " Non ! " hurla-t-elle en se jetant en travers.
Au même moment, un éclair blanc projeta l'agresseur au loin, presque coupé en deux. Escaflowne s'était interposé entre Hitomi et le tueur. Les deux autres, terrifiés par l'apparition soudaine de ce guymelef blanc que personne ne pilotait, voulurent s'enfuir, mais il les acheva d'un coup d'épée. Hitomi leva des yeux pleins de rage et de douleur vers le guymelef.
" Escaflowne ! Tu arrives trop tard ! Van va mourir ! Tu l'as abandonné ! Tu l'as laissé se battre seul contre ces fous ! ". Les larmes coulèrent de plus belle sur ses joues. Escaflowne, de lui-même, attrapa délicatement Van dans sa main immense. Hitomi, le visage soudain dur, grimpa sur le guymelef qui prit sa forme de dragon. Elle serra Van contre elle.
" Rentre au palais ! " ordonna-t-elle. Escaflowne s'envola à toutes vitesses vers Fanélia.
Allen et le reste du groupe virent arriver Escaflowne avec surprise. Mais lorsque Hitomi en descendit, l'air bouleversé, Allen courut vers elle.
_ Hitomi !
_ Allen ! C'est Van ! Emmenez-le, il va mourir ! Il faut le soigner !
Sans perdre de temps, le chevalier céleste prit Van dans ses bras et le transporta en courant jusqu'à sa chambre. Séréna était partie chercher des médecins.
_ Il faudrait que ses ailes disparaissent ! fit Allen en le posant sur son lit.
_ Il n'est pas conscient, répondit Hitomi d'une voix tremblante, il ne peut pas les ranger ! C'est ma faute ! Je...je n'aurais jamais dû revenir !
_ Hitomi ! s'écria Allen. Tu as retrouvé la mémoire !
Elle hocha la tête, la gorge serrée, les yeux posés sur Van. Trois médecins entrèrent alors dans la pièce, l'air affolé, se pressèrent autour du lit. Ils se parlaient entre eux, se coupaient la parole, incapables de prendre une décision.
_ ASSEZ ! hurla soudain Hitomi. Sortez ! Sortez tous, bande d'imbéciles !
Les médecins se mirent à protester mais Allen les jeta hors de la chambre en leur disant qu'on ne discutait pas les ordres de la reine. Hitomi s'agenouilla devant le lit et prit la main de Van.
_ Allen ! appela-t-elle. Va chercher Mirana, s'il te plait.
_ Mirana ?
_ Oui. J'ai plus confiance en elle qu'en ces hystériques.
Elle leva vers le chevalier des yeux embués de larmes.
_ Il faut sauver Van. Fais vite, je t'en prie...
Allen s'inclina, et sortit. Il prévint sa soeur, et courut au port, où était le Croisé. Par chance, tout l'équipage était là.
_ Gadès ! On rentre d'urgence à Pallas !
_ Qu'est-ce qui se passe, capitaine ?
Allen expliqua la situation en deux mots. Il n'en fallait pas plus à ses hommes : tous aimaient bien le jeune roi. Ils poussèrent le Croisé au maximum, et atteignirent la capitale un peu avant minuit. Allen courut au palais. Sans s'occuper des appels étonnés des gardes, il se précipita dans les couloirs et finit par entrer dans la chambre de Mirana.
Il s'approcha du lit et la réveilla. En ouvrant les yeux, elle poussa un cri de surprise, rougit et balbutia :
_ Mais Allen ! Qu'est-ce que...
_ Van est en danger de mort ! Nous avons besoin de vous, princesse !
Mirana se leva d'un bond. " Je prends mes affaires et j'arrive ! ". Allen, un peu gêné quand même de la trouver en chemise de nuit, sortit l'attendre dehors. Quelques instants plus tard, Mirana le rejoignait en tenue d'écuyère, avec le sac d'Hitomi dans lequel elle avait rangé ses instruments. Allen l'attrapa assez cavalièrement par la main et l'entraîna en courant. Juste avant la sortie les attendaient Elise, le roi Aston et quelques gardes.
_ Mirana ! Allen ! Arrêtez-vous tout de suite ! ordonna le roi.
_ Désolés ! Pas le temps ! rétorqua Allen.
Sans lâcher Mirana, il traversa la barrière de gardes qui n'osaient pas l'arrêter, pour ne pas blesser la princesse, mais surtout parce qu'aucun n'aurait eu le courage de défier le grand chevalier Allen Schezar...
_ Allen ! Je t'interdis de t'enfuir avec Mirana ! Laisse-la ! ordonna Elise.
_ Je vous la ramène dans quelques jours ! promit Allen sans ralentir.
_ Allen Schezar ! hurla le roi. Si tu ne reviens pas tout de suite, tu seras banni du corps des Chevaliers Célestes d'Astria !
Allen serra les dents, mais ne broncha pas. Le Croisé était en suspension au-dessus de la cour du palais, Allen laissa Mirana monter la première par l'échelle, puis grimpa derrière elle. Quelques secondes plus tard, ils étaient en sécurité dans le vaisseau qui s'envolait rapidement vers Fanélia. Si le contexte n'avait pas été aussi grave, Mirana aurait éclaté de joie. Ça faisait tellement longtemps qu'elle attendait cette fuite...
_ Je crains qu'après ce coup d'éclat nous ne soyons très mal vu à Astria, annonça Allen.
_ Vous inquiétez pas, capitaine ! fit Gadès. On est d'excellent pirates ! Pas vrai, les gars ?
_ Ouais ! répondit tout l'équipage avec enthousiasme.
Allen sourit, Mirana ne dit rien. Elle trouverait bien le moyen de le réhabiliter.
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